Mes trois derniers lus
| DE PHILIPPE CLAUDEL | ||||
Dans ce roman de très belle facture, où l'émotion affleure, toujours retenue par la pudeur un peu farouche de celui qui rapporte cette affaire - «l'Affaire», écrit-il même -, c'est bien le gris qui l'emporte, non pas le gris de la mort, partout présente, ni le gris du temps, ni le gris de la lâcheté humaine, mais un autre gris, celui, obsédant et lumineux, de ces «âmes» torturées par le mal, un mal plus immatériel, plus profond que le crime qui les occupe, auquel toutes, à des degrés divers, ont participé. Il émane de ces pages une beauté grise et envoûtante qui tient tout autant à l'arrière-plan historique, la fameuse année 1917 marquée par les mutineries et les désertions dans l'armée, qu'à l'intimité de ces créatures jetées dans le désordre de leurs passions. Philippe Claudel a signé là une œuvre austère, sombre mais forte.
Un meurtre en pleine guerre, dans la grisaille humide de l'hiver 1917. Mais saura-t-on jamais qui a étranglé Belle de Jour, la gamine de Bourrache, le bistrotier de ce bourg du nord de la France, à quelques kilomètres du front d'où arrive par vagues le vent de la canonnade? Qu'importe, après tout, l'assassin, tout le monde l'est un peu dans cet univers glauque, alourdi de pluie et d'un passé qui ne se dit pas. Les apparences désignent Destinat, le magistrat pourvoyeur de gibiers de potence, vieillard solitaire et taiseux, mais est-il plus coupable que le juge Mierck qui ne l'interroge pas - si on ne s'aime pas, on appartient à la même société et on ne la compromet pas en jetant la suspicion sur l'un des siens - et qui préfère se débarrasser de deux déserteurs, boucs émissaires providentiels d'une faute qu'ils n'ont peut-être pas commise? Nul n'est innocent, et pas davantage le narrateur, policier au rancart qui noie dans un mauvais vin son chagrin de Clémence, sa femme morte en couches, seul rayon de lumière sous ce ciel bas avec Lysia, la petite institutrice qui ne supportera pas la disparition de son fiancé à la guerre. Le narrateur donc, témoin d'abord falot mais de plus en plus engagé dans un drame que sa chronique, intelligemment déstructurée par Philippe Claudel, va mêler tout à la fin à un autre drame, le sien.
La petite fille de Monsieur Linh de Philippe Claudel
Extrait :
?Monsieur Linh s'est levé. Il vient de se rendre compte qu'il est tard et qu'il n'a rien pris dans sa poche pour nourrir sa petite fille. Il lui faut rentrer avant qu'elle ne se réveille. Avant qu'elle ne pleure parce qu'elle aurait faim. Elle ne pleure jamais, mais justement, le viel homme espère qu'il en sera toujours ainsi, qu'elle ne pleurera jamais, tant qu'il saura s'occuper d'elle, tant qu'il sera là, pour elle à prévenir tous ses désirs et à chasser toutes ses peurs.?
Éditions Stock - 159 pages
Magique, hypnotique, Kafka sur le rivage est un roman d'initiation où se déploient, avec une grâce infinie et une imagination stupéfiante, toute la profondeur et la richesse de Haruki Murakami. Une oeuvre majeure, qui s'inscrit parmi les plus grands romans d'apprentissage de la littérature universelle. Kafka Tamura, quinze ans, fuit sa maison de Tôkyô pour échapper à la terrible prophétie que son père a prononcée contre lui. Nakata, vieil homme simple d'esprit, décide lui aussi de prendre la route, obéissant à un appel impérieux, attiré par une force qui le dépasse. Lancés dans une vaste odyssée, nos deux héros vont croiser en chemin des hommes et des chats, une mère maquerelle fantomatique et une prostituée férue de Hegel, des soldats perdus et un inquiétant colonel, des poissons tombant du ciel, et bien d'autres choses encore...
Avant de voir leur destin converger inexorablement, et de découvrir leur propre vérité.
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